L’entretien du couvert végétal dans les centrales photovoltaïques au sol est trop souvent considéré comme un poste secondaire. Pourtant, il conditionne directement la performance énergétique, la sécurité et la durabilité de l’installation. Un enherbement non contrôlé peut entraîner de l’ombrage sur les panneaux, compromettre l’accès aux équipements, favoriser le développement d’espèces invasives, et augmenter les risques d’incendie. La végétation peut également dégrader les structures, masquer des défauts techniques ou encourager la présence de rongeurs qui s’attaquent aux câblages. Ces effets s’accumulent au fil des années, rendant la remise à niveau d’un site de plus en plus complexe, longue et coûteuse.
Anticiper l’invasion : la clé d’un entretien efficace dès la première année
Démarrer avec une stratégie d’entretien claire et active dès la première année est crucial. Un terrain fraîchement aménagé, encore pauvre en adventices, offre une occasion idéale pour mettre en place un couvert maîtrisé. Mais si rien n’est fait rapidement, les premières espèces opportunistes s’installent, souvent parmi les plus agressives.
La renouée du Japon, par exemple, peut pousser jusqu’à 8 cm par jour. Sa capacité à coloniser rapidement un terrain et à repousser depuis des fragments de rhizomes la rend extrêmement difficile à contrôler une fois implantée. Il en va de même pour les chardons, l’ambroisie ou les ronces, qui se répandent très vite si la tonte est irrégulière. Sans intervention précoce, ces espèces envahissent progressivement le site et rendent la production d’énergie moins efficace et plus risquée.
Les limites de la tonte ponctuelle : débroussailleuses, rotofils et tondeuses mécaniques
La stratégie minimale de deux à trois tontes annuelles, très courante, repose sur une logique budgétaire à court terme. Or, la réalité biologique du terrain rend cette approche peu efficace. La plupart des espèces herbacées ont un cycle de croissance rapide : elles germent, montent en fleurs et produisent leurs graines en quelques semaines. Entre deux passages, elles ont donc largement le temps de se reproduire et de diffuser leurs semences sur l’ensemble du site.
Certaines plantes, comme les chardons ou la renouée, réagissent à la coupe en intensifiant leur croissance souterraine. Ce type de gestion ponctuelle ne réduit donc pas la pression végétale, mais peut même la renforcer. Les outils couramment utilisés, tels que les débroussailleuses thermiques, les rotofils ou les tondeuses tractées, sont rarement conçus pour travailler en présence de structures photovoltaïques fragiles. Ils peuvent projeter des pierres, tordre ou heurter les pieds de structures, et endommager les panneaux.
De plus, ces engins n’accèdent pas toujours aux zones inter-rangs ou sous les modules, laissant intactes des poches de végétation dense où les adventices les plus agressives prolifèrent en toute tranquillité.
La tonte permanente : une stratégie efficace et préventive
Une tonte permanente ne signifie pas couper en continu, mais maintenir le couvert végétal à une hauteur basse toute l’année. Cette approche permet d’empêcher les plantes d’atteindre leur stade reproductif, ce qui réduit la dissémination des graines. Elle favorise également la stabilisation d’une flore plus basse et plus facile à entretenir.
Le sol reste couvert, ce qui limite l’érosion, améliore l’infiltration de l’eau, et contribue au maintien d’une certaine biodiversité. Pour l’exploitant, cela signifie aussi un accès permanent aux infrastructures et une réduction des interventions d’urgence.
Outils de tonte autonome : une technologie au service de la régularité
Les solutions de tonte robotisée se développent rapidement. Elles permettent de maintenir une herbe basse de manière régulière, sans mobiliser en permanence des équipes humaines. Les robots peuvent être programmés pour travailler en continu, s’adapter à la météo ou aux contraintes du site, et intervenir au plus près des panneaux sans risquer de les abîmer.
Ces dispositifs n’ont pas vocation à remplacer totalement les interventions humaines, mais à en assurer la continuité et la précision sur les zones accessibles. Ils réduisent l’empreinte carbone, évitent le tassement des sols, et contribuent à stabiliser la stratégie d’entretien sur la durée.
Une approche hybride pour des résultats homogènes
La combinaison entre tonte autonome régulière et interventions ciblées ponctuelles est aujourd’hui la stratégie la plus efficace. Les robots assurent une présence continue sur les grandes zones ouvertes, tandis que les équipes humaines se concentrent sur les espaces denses, en pente, ou infestés par des espèces invasives.
Cette approche hybride permet de garder la maîtrise du site tout en optimisant les ressources. Elle réduit aussi le recours à des traitements extrêmes comme les désherbages chimiques ou les arrachages massifs.
L’écopâturage : une solution complémentaire mais non suffisante
Utiliser des moutons pour entretenir un parc solaire est une pratique courante, mais qui montre des limites importantes. Les ovins tendent à sélectionner les espèces les plus tendres, laissant les plantes coriaces ou toxiques, souvent invasives. Il n’est pas rare de voir des zones entières colonisées par des chardons ou des orties, ignorées par les troupeaux.
Par ailleurs, cette méthode exige une logistique lourde : gestion du cheptel, clôtures, eau, soins vétérinaires, surveillance. Ce n’est donc pas une solution de gestion fine et permanente, mais plutôt un complément ponctuel à une stratégie globale.
Dérives économiques : les risques du moins-disant
La volonté de réduire les coûts d’entretien conduit parfois à des situations critiques. Des entreprises proposent des prestations à bas prix, rendues possibles par l’emploi de personnel non déclaré, non formé, voire sans habilitation pour travailler sur un site électrique. Le matériel utilisé est souvent basique et inadapté aux contraintes des centrales.
Ces pratiques peuvent entraîner des dégâts importants : panneaux cassés, connecteurs débranchés ou arrachés, structures fragilisées, ou encore coupures accidentelles de câbles en charge, avec risque électrique. Pire encore, certaines interventions mènent à des non-conformités graves pouvant bloquer la production ou mettre en cause la responsabilité pénale de l’exploitant en cas d’accident.
Face à ces risques, de plus en plus d’entreprises de paysage qualifiées choisissent de ne plus répondre aux appels d’offres pour les centrales solaires, jugés trop peu rémunérateurs au regard des exigences et des responsabilités encourues. Le secteur risque ainsi de voir se réduire l’offre de prestataires sérieux, au profit d’acteurs prêts à rogner sur la qualité et la sécurité.
Conclusion
Une gestion efficace de l’enherbement dans les centrales photovoltaïques ne s’improvise pas. Elle repose sur une stratégie préventive, continue et adaptée à la spécificité de chaque site. Le recours à des outils de tonte autonome, combiné à des interventions humaines ciblées, permet de répondre durablement aux exigences techniques, écologiques et économiques du secteur. Prioriser la qualité de l’entretien, c’est protéger la performance de la centrale, éviter la dévalorisation de l’actif, et limiter les dérives coûteuses ou dangereuses à long terme.
Publié le 8 mai 2025